mercredi 11 août 2010

Chateau de Guédelon : début de semaine

Hôla manant !

Bienvenu à toi après cette longue période sans nouvelles. Beaucoup de choses se sont passées, et je t'en ferai part très bientôt.

Mais d'ici là, replongeons nous au XIIIème siècle, sur la construction du château médiéval de Guédelon dont je vous ai fait une visite rapide des lieux lors de mon dernier post.

Mon premier travail fut de rejoindre les bucherons. A cette époque, ceux-ci vivaient avec leur famille dans les bois, au plus près de leur source de travail.

Leur maisons étaient réalisées en terre crue, sur une structure de branchages empilés autour d'un arbre dont on avait coupé le sommet :


L'aménagement était plutôt spartiate, et la seule source de chaleur était la famille entière entassée sur une couche de paille. Les feux étaient fait à l'extérieur de l'abri ...


Ma première tâche est donc d'être fendeur. Je vais réaliser des bardeaux, c'est à dire des tuiles en bois qui serviront de couvertures aux diverses cabanes qui peuplent les forêts de Guédelon, et abritent les employés du bon seigneur.

La technique consiste à partir d'un rondin de bois d'environ 40cm de haut, et de le fendre en deux, puis de le refendre, jusqu'à obtenir une pièce d'une épaisseur de 5 ou 6mm.

Nous travaillons avec du châtaigner, car c'est l'essence la plus courante dans les bois qui nous entourent. Une telle chose ne serait jamais arrivée au XIIIème siècle, car c'était un arbre alimentaire. En effet, les châtaignes étaient utilisées pour faire de la farine, et par ces temps de disette, c'était un bien précieux.

Pour y arriver, 3 outils sont utilisés. Le billot sert de support, la massette sert d'outil de frappe, et le départoire, qui sert d'outil de fente.





Vous voyez ici le billot et la massette. Celle ci est une pièce de bois massive dans laquelle on a creusé le bois pour obtenir un manche.


Le départoire est consitué d'une lame horizontale et d'un manche vertical.

Cet outil ne s'affute jamais. Le simple fait de glisser entre les fibres du bois toujours dans le même sens maintient une lame aiguisée à travers le temps.






Voyez ici un bucheron qui a placé le départoire au milieu de sa pièce de bois, afin que la force d'écartement des fibres soit égale de chaque coté, ce qui permet de séparer sans casse les deux parties.


Le travail commence vers 9h30, nous sommes début mai, et la température est de 5°. La forêt est détrempée de la nuit, et se réveille doucement avec les chants des nombreuses espèces d'oiseaux qui peuple ces bois.

L'atmosphère de bruissements de foret émergents du silence est tout bonnement un pur plaisir.  Ces moments de pure tranquillité sont éphémères, car la cohorte de visiteurs ne va pas tarder à s'avancer. Je savoure donc le temps qui s'arrête de défiler en ce moment. 
Néanmoins, les bourasques de vent brassant l'air humide me rappellent vite à la réalité : il caille grave malgré les 6 épaisseurs de vêtements prévus pour l'occasion !!!

Qu'a cela ne tienne, le travail réchauffe très vite, et les épaules en prennent pour leur grade. Les pièces défilent dans un silence rythmé par les coup de massettes, et les rares pauses permettent de dégourdir les doigts crispés de fatigue sur le manche du départoire.

Les habitudes s'installent, et les mouvements se font de plus en plus précis au fil des heures. Petit à petit, la pile de bardeaux grimpe, et ce n'est qu'en fin de journée qu'on constate en l'observant de plus près que finalement, on en a fait un peu !


Allez, j'admet la tricherie : le tas était déjà bien fourni en arrivant.
Une discussion d'apothicaire entre bucherons nous amène à la conclusion que nous devons réaliser chacun une petite centaine de bardeaux dans la journée.

A coté de nous travaille un autre bucheron. Lui réalise les lattes qui seront utilisées sur la charpente pour tenir les tuiles. Cette tâche est très difficile, car la technique pour arriver à fendre sur une telle longueur nécessite de longues heures de pratique.
Le rendement de ce type de travail ferait pâlir un écologiste : 85% de perte environ lors de la fabrication de lattes ! Mais pour bâtir un château digne de ce nom, il faut ce qu'il faut ...





Voilà mes amis, comment les bucherons produisaient les matériaux de construction au XIIIème siècle.

Ce matériel sera transporté aux charpentiers grace aux routiers de Guédelon :


Voici la fin de cette première partie consacrée aux fendeurs.

Si le sujet vous intéresse, je vous invite à découvrir comment a évolué cette technique de couverture en tuile de bois à travers cette superbe page dédiée au tavailloneurs : Les Tavaillons dans le Haut-Jura .

Dans mon prochain post, je vous raconterai la suite de mon apprentissage du métier de bucheron : j'irai travailler cette fois ci auprès les équarisseurs !

Que le vent vous porte !